La guerre des Juifs
Titre: |
La guerre des Juifs | ||
Auteur: |
Flavius Josèphe (avec introduction et commentaires de Pierre Vidal-Naquet) | ||
Editeur: |
Editions De Minuit |
Date de parution: |
Janvier 1977 |
La chute du Temple de Jérusalem
La chute du Temple de Jérusalem, le 10 de Loos de l'année 70, est datée par Vittorio Messori du 6 août 70.
Un fait historique majeur a lieu en l'an 70 : la chute du temple de Jérusalem suivie par sa non-reconstruction jusqu'à la fin du temps des nations.
Deux miracles, deux prédictions surprenantes, faites par NSJC vers l'année 33, et néanmoins réalisées l'une comme l'autre :
La première c'est que le Temple serait complètement détruit : prédiction d'autant plus paradoxale que le temple en l'an 33 n'était pas encore terminé et qu'il ne le fut qu'en l'an 66.
Et la deuxième, la plus importante, qu'il ne serait jamais reconstruit (jusqu'à la fin du temps des nations).
Reprenons dans l'ordre :
La destruction totale du temple est annoncée plusieurs fois dans l'Évangile. La plus spectaculaire est celle où le Christ se trouve avec ses disciples sur le mont des oliviers (en 33) : de là on voit donc dans son ensemble le temple en construction (presque terminée) avec des pierres énormes (comme celles que l'on peut voir encore aujourd'hui à la base de la porte de Damas, cette base de la porte datant de Hérode Agrippa). Les apôtres lui font remarquer - comme l'auraient fait à cette époque de bons juifs pieux - la beauté du temple, avec ses énormes pierres. Et le Christ prédit à ses apôtres surpris qu'il n'en restera pas "pierre sur pierre", et ce définitivement.
En 66 les juifs se révoltent, le gouverneur de Syrie, Cestius, attaque Jérusalem et est battu. Vespasien envoie son fils TITUS, futur empereur, qui commence l'encerclement de la ville en 69. Cet encerclement était dans les prédictions évangéliques : les chrétiens s'enfuient tous à Pella (qui appartenait au roi Agrippa).
Simon Bar-Giora, rival de Jean de Gischala, prend alors position dans Jérusalem pendant que les Romains assiègent la ville. Les troupes de Titus attaquent Jérusalem par le nord (le 30 mai 70), prennent la première puis la seconde muraille. Jean de Gischala défend l'Antonia et le Temple et Simon Bar-Giora la ville haute. Titus renforce le siège (en juillet). La famine se fait sentir. Le 6 août, les sacrifices quotidiens dans le Temple cessent. Titus s'empare de l'Antonia et brûle les portes extérieures du Temple, puis attaque le Temple qui est complètement brûlé (le 28 août). Il s'empare enfin de la ville haute où s'étaient réfugiés Simon Bar-Giora et Jean de Gischala. Jérusalem est rasée, sauf les trois tours du palais d'Hérode (Hippicus, Phasaél et Mariamne) et une partie de la muraille.
La prise du temple fera coté juif plus d'un million de morts (car de nombreux juifs sont présents à Jérusalem à cette époque et l'attaque romaine est faite par surprise). Il n'y aura que 100 000 prisonniers : le cours de vente de l'esclave baissera sur tout le pourtour méditerranéen.
Titus fera détruire le temple, passer la charrue et semer du sel (pour que rien ne repousse jamais).
Tous les prêtres, qui suppliaient pour avoir la vie sauve, seront tués. Titus leur répondit qu'il n'y avait plus de temple et qu'ils étaient donc maintenant inutiles.
Toutes les tables indiquant la généalogie des prêtres furent détruites (il y avait une tribu de prêtres, de père en fils) et la religion hébraïque disparait alors complètement : plus de temple, plus de prêtres, donc plus de sacrifice. (Pour mémoire, notons que les rabbins sont des savants, mais pas des prêtres).
Tous les descendants du roi David furent recherchés et tués.
Titus rapporta à Rome pour son triomphe la "table d'or" (des sacrifices) et le "chandelier à sept branches". L'arc de Titus à Rome représente d'ailleurs la victoire des Romains emportant la Ménorah de Jérusalem.
Flavius Joseph, un juif passé à l'ennemi, qui raconte tout ceci, fut fait prisonnier avant même l'attaque de Jérusalem : il eut la vie sauve à cause de sa vaillance et pour avoir prédit à Titus qu'il deviendrait empereur (ce qui, de fait, fut). Il devint donc un "collaborateur" fidèle. Son livre toujours réédité - livre que les juifs ont vainement tenté de détruire - "La guerre judaïque" est le récit de ce que l'auteur a vu de ses propres yeux.
On y apprend entre autres que Titus interdit de mettre le feu au Temple (les romains respectaient les cultes des peuples conquis), d'autant que la splendeur du Temple l'impressionnait. Ses troupes murmuraient contre lui car c'eut été un bon moyen pour accélérer la prise de Jérusalem. Mais Flavius Joseph explique qu'un soldat inconnu, désobéissant (acte inimaginable dans la légion romain !) a fini par mettre le feu. Les soldats refusèrent de l'éteindre et le temple fut pris. F. Joseph y voit une intervention divine, un châtiment annoncé par les prophètes.
Sous le règne de l'empereur Julien l'apostat, en 363, les juifs - soucieux de faire mentir la prédiction - reçurent beaucoup d'argent pour reconstruire le temple. Mais - et nous avons le témoignage de nombreux historiens non-chrétiens sur ce point - des tremblements de terre et des flammes firent fuir les ouvriers.
B. de Midelt
(1) Messori Vittorio, Il a souffert sous Ponce Pilate, éd F-X de Guibert 1995, p 236. Mais comme on peut le voir dans la suite du texte, les auteurs ne sont pas d'accord entre eux sur la transcription du 10 de Loos.
(2) Le Christ n'a prédit que trois évènements historiques : sa mort et résurrection, la fin du monde et la chute du temple.
(3) « Jusqu'à la fin du temps des nations », Luc 21, 24.
(4) Luc 19, 44.
(5) On se reportera également à Mt XXII, 7 : « Le Roi fut irrité. Et envoyant ses armées, il fit périr ces meurtriers et brûla leur ville. » qu'il convient de rapprocher de Mt 22, 45 : « Les grands prêtres et les pharisiens, entendant ces paroles, comprirent bien qu'ils les visaient.
FLAVIUS JOSÈPHE, La Guerre judaïque (extrait)
LIVRE VI
Depuis l'achèvement des travaux romains jusqu'à la prise de la ville.
IV
Nouveau Conseil de guerre sur le sort du Temple ; incendie du Temple malgré les efforts de Titus.
1. Attaque romaine manquée. - 2. Progrès de l'incendie. - 3. Conseil de guerre de Titus relatif au sort du Temple. - 4. Attaque juive manquée. – 5-8 Incendie du Temple, malgré les efforts de Titus.
5. Titus retourna à la tour Antonia ; il avait résolu de donner l'assaut avec toutes ses troupes le lendemain vers l'aurore et de cerner le Temple que Dieu, depuis longtemps, avait condamné au feu. La succession des temps amenait le jour fatal, qui fut le dixième du mois de Loos [1]. A cette même date le Temple avait autrefois été brûlé par le roi de Babylone [2]. Mais l'origine et la cause de l'incendie doivent être attribuées aux Juifs eux-mêmes. Car, dès que Titus se fut retiré, les factieux, après quelques instants de repos, tirent une nouvelle attaque contre les Romains ; les postes qui gardaient le Temple engagèrent le combat avec ceux qui cherchaient à éteindre le feu du sanctuaire intérieur et qui, repoussant les Juifs, les poursuivaient jusqu'au Temple. C'est alors qu'un des soldats, sans attendre d'ordre, sans scrupule devant une telle entreprise, mais poussé par une sorte d'impulsion surhumaine, saisit un tison enflammé, et, soutenu par un de ses camarades, lança le feu à travers une fenêtre dorée, située du côté du nord et donnant accès aux habitations construites autour du Temple. Quand la flamme jaillit, les Juifs poussèrent un cri qui répondait à leur douleur : ils coururent en foule pour l'éteindre, sans souci de leur vie, sans ménager leurs forces, en voyant se consumer le monument qui avait été jusque-là l'objet de toute leur vigilance.
6. Un coureur vint annoncer la nouvelle à Titus, qui se reposait alors sous sa tente des fatigues du combat : il s'élança tel qu'il était et courut vers le Temple pour arrêter l'incendie. Derrière lui vinrent tous ses lieutenants, que suivaient les légions frappées de stupeur : dans une troupe si nombreuse, subitement mise en branle, il y avait de la confusion et des cris.
César, de la voix et de la main, ordonnait aux soldats d'éteindre le feu ; mais on n'entendait pas sa voix parmi les clameurs plus fortes encore qui assourdissaient les oreilles ; on ne prenait pas garde non plus aux signes que faisait sa main, car les uns étaient distraits par le combat ; les autres par leur propre fureur. Ni l'exhortation, ni la menace ne retenaient l'élan des légions qui avançaient ; tous se laissaient conduire par leur seule colère. Beaucoup, pressés autour des portes, se foulèrent aux pieds les uns les autres ; beaucoup, qui tombaient parmi les débris encore brûlants et fumants des portiques, éprouvèrent le malheureux sort des vaincus. Quant ces soldats furent arrivés près du Temple, ils feignirent de ne pas même entendre les ordres de César et crièrent à ceux qui les précédaient de jeter les tisons. Cependant les factieux étaient dès lors impuissants à porter secours ; le massacre et la déroute régnaient partout. On égorgeait un très grand nombre de gens faibles et sans armes, partout où on les rencontrait ; autour de l'autel une multitude de cadavres s'amoncelaient ; sur les degrés du Temple le sang coulait à flots, et les corps de ceux que l'on venait de massacrer roulaient d'une marche à l'autre.
7. Comme il n'était pas capable de contenir l'impétuosité des soldats en délire, et que le feu gagnait, César, entouré de ses lieutenants, se rendit à l'intérieur du Temple et contempla le sanctuaire avec son contenu, trésor bien supérieur à ce que la renommée avait publié à l'étranger et non inférieur à sa glorieuse réputation parmi les gens du pays. Comme l'incendie n'avait pas encore pénétré à l'intérieur de la nef et dévorait les habitations élevées autour du Temple, il pensa, non sans raison, que l'édifice pouvait encore être sauvé ; il s'élança donc et essaya de persuader lui-même aux soldats qu'il fallait éteindre le feu. Il ordonna même à Liberalius, centurion de ses porte-lances, de frapper à coups de bâton ceux qui désobéiraient. Mais leur respect pour César et leur crainte de l'officier chargé de les retenir cédèrent à leur rage, à leur haine des Juifs, à un élan guerrier plus violent encore. La plupart étaient aussi stimulés par l'espoir du butin : ils croyaient que tout l'intérieur du Temple regorgeait de richesses, en voyant les dehors de l'édifice revêtus d'or. Un des soldats qui étaient entrés au moment où César s'élançait lui-même pour arrêter les incendiaires mit le feu, dans l'obscurité [3], aux gonds de la porte. Aussitôt la flamme jaillit à l'intérieur ; les lieutenants de César se retirèrent avec lui, et personne n'empêcha plus les troupes, placées hors du Temple, d'activer l'incendie. C'est ainsi que le Temple fut brûlé malgré César.
8. On déplorera profondément la perte de cet édifice, le plus admirable de tous ceux qu'on ait vus ou entendu vanter, tant pour sa construction, sa grandeur, la perfection de ses détails, que pour la célébrité de son sanctuaire ; mais on tirera une très haute consolation en songeant au Destin, dont la puissance s'étend également sur les œuvres d'art, les lieux consacrés et les êtres vivants. On admirera, dans cette fatalité, le rapport exact des temps révolus ; elle a observé, comme je l'ai dit [4], le même mois et le même jour où le Temple avait été, auparavant, incendié par les Babyloniens.
[1] 29 août 70.
[2] Ce fut le 10 Ab, suivant Jérémie, 111,12 ; le 7 Ab, suivant II Rois, XXV, 8 ; la tradition juive place ces deux catastrophes au 9 Ab.
[3] Ces deux mots sont douteux.
[4] Voir plus haut, IV, 5.
…
VI
Discours de Titus à Simon et à Jean ; il décide de détruire la ville.
1. Titus salué imperator ; massacre des prêtres. - 2. Discours de Titus à Simon et à Jean. – 3. Titus décide de détruire la ville. - 4. La famille d'Izates.
1. Quand les factieux se furent enfuis dans la ville, tandis que l'incendie consumait le Temple même avec toutes les constructions voisines, les Romains apportèrent leurs enseignes dans l'enceinte sacrée et les dressèrent en face de la porte de l'Orient ; sur la place même ils offrirent des sacrifices en leur honneur et, parmi d'immenses acclamations saluèrent Titus du nom d'imperator. Tous les soldats avaient fait un si grand butin que la livre d'or se vendait en Syrie la moitié de son ancienne valeur. Cependant les prêtres continuaient à rester sur le mur du Temple : un jeune garçon, tourmenté par la soif, supplia les soldats des postes Romains d'échanger leur parole avec lui, alléguant son besoin de boire. Ceux-ci, par pitié de son âge et de la nécessité où il était réduit, conclurent l'accord. L'enfant descend, boit et, après avoir rempli d'eau un vase qu'il avait apporté, remonte en courant vers les siens. Nul des gardes ne put le saisir, et ils maudirent son manque de foi. Mais lui déclara qu'il n'avait transgressé aucune convention il avait reçu leur parole non pour rester auprès d'eux, mais seulement pour descendre et prendre de l'eau ; il avait accompli ces deux actes et croyait avoir été fidèle à ses engagements. Ce stratagème excita, surtout à cause de l'âge de l'enfant, l'admiration de ceux qu'il avait dupés.
Mais le cinquième jour, les prêtres, mourant de faim, descendent du mur, conduits à Titus par les gardes, et le conjurent de leur accorder la vie. Il répondit que le temps du pardon était passé, que le seul objet qui aurait pu justement le déterminer à les sauver, avait péri : il convenait aux prêtres, ajouta-t-il, de disparaître avec le Temple. Il ordonna donc de les mettre à mort.
............
3. Le nombre total des prisonniers faits pendant toute la guerre s'éleva à quatre-vingt-dix-sept mille ; celui des morts, pendant tout le siège, à onze cent mille. La plupart étaient des Juifs, mais non tous de la ville même ; beaucoup étaient venus de tout le pays à la fête des Azymes quand la guerre les enveloppa soudain ; ainsi, l'espace étroit où ils étaient confinés produisit d'abord une maladie pestilentielle et aggrava, peu de temps après, la famine. La preuve certaine que la ville contenait une population si considérable, nous la trouvons dans le recensement de Cestius, qui voulait montrer à Néron, plein de mépris pour cette nation, la prospérité de sa capitale. Il pria les grands-prêtres de deviser quelque moyen pour recenser la population. Or, la fête, appelée Pâque, approchait ; on y sacrifie de la neuvième heure à la onzième et, pour chaque sacrifice, il y a une confrérie d'au moins dix hommes, car il n'est pas permis de prendre ce repas seul, et souvent on s'assemble au nombre de vingt. Les prêtres comptèrent donc deux cent-cinquante-cinq mille six cents victimes. Si l'on suppose dix personnes pour se partager chacune, on obtient le chiffre de deux millions sept cent mille hommes tous purs et saints ; car ni les lépreux, ni ceux qui souffrent de gonorrhée, ni les femmes, pendant la menstruation, ni les autres personnes souillées d'une manière ou d'une autre, ne peuvent participer au sacrifice, non plus que les hommes de race étrangère venus à Jérusalem par dévotion.
(…)
LIVRE VII
I
Jérusalem est rasée ; Titus récompense les vainqueurs
1. Jérusalem est rasée. - 2-3. Titus remercie et récompense ses troupes.
1. Quand l'armée n'eut plus rien à tuer ni à piller, faute d'objets où assouvir sa fureur - car si elle avait eu de quoi l'exercer, elle ne se serait abstenue par modération d'aucune violence - César lui donna aussitôt l'ordre de détruire toute la ville et le Temple, en conservant cependant les tours les plus élevées, celles de Phasaël, d'Hippicos, de Mariamme, et aussi toute la partie du rempart qui entourait la ville du coté de l'ouest. Ce rempart devait servir de campement à la garnison laissée à Jérusalem ; les tours devaient témoigner de l'importance et de la force de la ville dont la valeur romaine avait triomphé. Tout le reste de l'enceinte fut si bien rasé par la sape que les voyageurs, en arrivant là, pouvaient douter que ce lieu eût jamais été habité. Telle fut la fin de Jérusalem, cité illustre, célèbre parmi tous les hommes, victime de la folie des factieux.
Bas-relief de l'arc de Titus (Rome)
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 85 autres membres