Manuel d’inculture générale
Titre: |
Manuel d'inculture générale | ||
Auteur: |
Basile de Koch | ||
Editeur: |
Flammarion |
Date de parution: |
Octobre 2009 |
Parce qu'on peut aussi lire dans le simple but de se détendre les zygomatiques, je parlerai aujourd'hui du dernier livre désopilant de Basile de Koch. Cet acte publicitaire est parfaitement spontané de ma part et également entièrement gratuit (si l'auteur vient à lire cette fiche, je le salue…).
Basile de Koch (pseudonyme) est, parait-il, le frère de Karl Zéro, un des bouffons de Canal+. L'humour de Basile étant plus subtil et moins consensuel (surtout moins con, tout court) que celui du frangin, cela explique peut-être que le premier n'a pas percé à la télé. Président à vie autoproclamé d'un Groupe d'Intervention Culturelle (qu'on me pardonne si l'intitulé du titre n'est pas parfaitement exact : je cite de mémoire…), il s'est donc consacré, dès les années 1980, à la parution très irrégulière d'un magazine : Jalons. Il était épaulé dans cette tâche par de nombreux et dévoués (j'imagine…) collaborateurs, dirigeant chacun une mouvance politique de la rédaction, ce qui garantissait un pluralisme inédit dans les analyses, allié à un parfait consensus (pas la peine de relire 15 fois cette phrase : elle ne veut rien dire mais vous n'aviez qu'à lire Jalons à l'époque, et c'est tout !) : de Hubert Mensch (pseudonyme), qui dirigeait « Nazisme et Dialogue », à François Nouvoila (pseudonyme qui se comprenait quand des mesquins mal intentionnés s'évertuaient à rappeler le passé maréchaliste du Président d'alors), qui dirigeait « Vénération Mitterrand », en passant par le Vicomte de Puypeu (pseudonyme), qui dirigeait « Restauration Rapide », ou Frigide Barjot (pseudonyme), qui dirigeait le « RAPOURI (RAssemblement POUr RIen) » - et qui a, d'après les milieux bien informés, convolé en justes noces avec Basile de Koch -, toutes les sensibilités étaient représentées. Car il y avait encore d'autres partis dont, là, comme ça, je n'arrive plus à me rappeler les blases (pseudonymes) des responsables : le « CDPD (Centre Démocratique Pour le Développement) », « Socialisme et Barbarie », et j'en oublie… Tout ce petit monde continue son action salutaire par des manifestations publiques sur des sujets brûlants d'actualité, comme lorsqu'ils ont chanté pour Chirac « ne nous quitte pas » sous les fenêtres de l'Elysée, la veille de la passation de pouvoirs. Ils clôturent systématiquement ces rassemblements par leurs hymnes fédérateurs, la Martionale et l'Interseillaise (les paroles de la Marseillaise sur l'air de l'Internationale, et inversement), dont vous pouvez trouver de vibrantes interprétations sur Dailymotion (ou Youtube, ou un truc du genre…).
Ils publiaient aussi d'excellentes et très réalistes parodies de journaux (« Coins de rues, images immondes », « l'Immonde », « le Cafard flytoxé »…) et de livres. A ce sujet, je ne résiste pas à l'envie de vous raconter une anecdote véridique, dont j'ai été le dindon… Un obscur auteur, scandinave je crois, avait pondu un best-seller, appelé le monde de Sophie et ayant la prétention de vulgariser la philosophie avant que ne sorte la collection « la philosophie pour les nuls ». J'avais lu dans Jalons qu'il fallait se dépêcher de commander la dernière parodie, le monde d'Anne-Sophie, avant qu'elle ne soit interdite par décision de justice, au motif qu'elle ressemblait trop à l'original. Certes, la discrète substitution de prénoms pouvait induire en erreur mais, pour la défense du GIC (voir plus haut), il faut reconnaître qu'il n'y avait rien à changer à la couverture originale, tant la naïve puérilité le disputait à la laideur. Bref, alors que je me trouvais dans la librairie d'une gare, je sautai littéralement de joie en découvrant de manière totalement inespérée LE livre : j'avais oublié le prénom composé, mais la couverture risible ne pouvait qu'être celle de la parodie ! Je me suis donc jeté sur un exemplaire, avec un sourire béat, annonciateur d'un imminent éclat de rire ; j'ai dévoré la table des matières puis ai lu de nombreux passage… Quelle déception ! Au lieu de me bidonner, je me suis dit : « c'est niais mais finalement, pas très drôle, ou trop fin pour moi : Jalons s'essouffle et est en perte de vitesse ! » Je ne l'ai donc pas acheté et ne me suis réconcilié que plus tard avec Jalons, quand j'ai compris que j'avais eu en mains l'original. Finalement, le monde d'Anne-Sophie a dû être interdit, ce qui peut se comprendre, mais ce qui est quand même injuste car : imaginez que j'ai failli acheter cette connerie grâce à la publicité involontaire de Jalons !
Bon ! Après cette longue introduction, quid du Manuel d'inculture générale ? Et bien, la réponse est synthétisée en 4ème de couverture : « En 256 pages TTC, Basile de Koch vous explique non seulement tout ce qu'il faut avoir l'air de savoir, mais aussi tout ce qu'il convient d'en penser ! » Tout est dit. Aussi j'essaierai seulement de vous donner envie de vous (in)cultiver, à l'aide d'un florilège de passages pris (presque au hasard) dans chaque chapitre…
- Histoire : cette synthèse lapidaire de tout le Moyen Age, admirablement sotte et prétentieuse (exactement tout ce qu'il faut pour briller dans le monde…) :
« N'en déplaise à certains médiévistes révisionnistes, le bilan du Moyen Age est globalement accablant : inégalités sociales dignes de Zola ; insécurité généralisée ; chape de plomb de l'Eglise catholique ; absence complète d'un secteur tertiaire ; réseau de communication primitif et dangereux ; et pour couronner le tout, défaillance constante des politiques sanitaires, avec la lèpre et la peste noire. »
- Sciences : après avoir retracé toute l'histoire (scientifique) de la création du monde, ce chapitre énumère toutes les inventions humaines successives, dont celle qui nous intéresse au premier chef :
« En 1973, le Pentagone et l'Institut de recherche de Stanford mettent au point une structure permettant aux ordinateurs et réseaux de communiquer via le Web : c'est la naissance d'Internet. Tout le monde va pouvoir communiquer, enfin à condition de savoir lire et écrire, de posséder un ordinateur, d'être abonné à l'électricité et au téléphone, et très accessoirement, d'avoir quelque chose à dire. »
- Philosophie : divisé en 2 parties (« des ténèbres aux Lumières » et « de la mort de Dieu au retour du religieux »), ce chapitre dresse une histoire de la philosophie aussi drôle que documentée, et analyse ainsi l'apport de Freud :
« Si la psychanalyse est, à l'origine, une thérapie du psychisme, elle va avoir une influence considérable sur la manière dont on pensera dorénavant l'homme, la société et l'absence de Dieu. Le marxisme voit apparaître un redoutable concurrent, qui s'implantera assez vite sur toutes les rives gauches de la planète : le matérialisme hystérique. »
- Arts : même histoire exhaustive de l'art, qui culmine (sens du Progrès oblige !) avec l'art contemporain :
« Après deux millénaires de tâtonnements, tout reprend forme. Au mammouth de Lascaux fait écho le homard de Versailles. Enfin, l'art est redevenu contemporain. (…)
Non, décidément, il n'existe pas de définition figée du phénomène – et c'est bien la preuve de sa vitalité ontologiquement subversive (*). En revanche, il y a bien un marché de l'art contemporain, avec ses codes et ses cotes ; on considèrera donc qu'est art contemporain tout ce qui se vend (cher) comme tel.
(*) : c'est du jargon peut-être, mais ça envoie le bois ! »
- Musique : le panorama pareillement exhaustif de l'histoire de la musique commence ainsi :
« Tout avait pourtant si bien commencé, avec le dépouillement néolithique. L'homme de Tautavel, de Lascaux ou de Neandertal tirait ses premiers sons d'un os évidé et troué, en une intuition prédodécaphonique qu'on mettra trop longtemps à retrouver – et après combien d'errements… »
- Littérature : difficile de ne sélectionner qu'un seul de tous les portraits au vitriol des auteurs littéraires de l'antiquité à nos jours ! Arbitrairement, je prendrai le dernier :
« Si Houellebecq et Dantec sont un peu les Céline de notre temps – en moins antisémites, qu'on se rassure -, alors Frédéric Beigbeder en est le Montesquieu, tant ses romans autobiographiques décrivent sur le mode plaisant les travers et l'absurdité de la société postmoderne et de l'auteur. »
- Cinéma : si vous n'êtes pas un cinéphile averti, ce chapitre vous suffira au moins à le paraître :
« Réunissant Gabin, Delon et Ventura, Le clan des Siciliens (Verneuil, 1969) constitue le summum de la french touch la plus ringarde. Encore que Jean Yanne, dans sa trop fameuse trilogie Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil / Moi y en a vouloir des sous / Les Chinois à Paris, a reculé les limites du populisme en moquant, de façon souvent drôle hélas, les syndicats, les médias, l'Eglise, les institutions le reste. Alors, subversif, Jean Yanne ? Non, car sa satire ne débouche sur aucun projet social positif, et manque cruellement de cette générosité dans l'indignation qui caractérise, à la même époque, Costa-Gavras et surtout Yves Boisset, véritable Oliver Stone français, qui sut avoir la dent dure contre les militaires, les racistes, les beaufs et les méchants en général. »
Bref, avec ça, je ne sais pas si je brillerai plus dans les salons, mais je me suis vraiment bien marré !...
Georges
Bibliographie
Le sieur Basile de Koch aurait publié dernièrement plusieurs ouvrages que je n'ai pas lus, mais que je vais m'empresser d'acquérir :
-Histoire de France, de Cro-Magnon à Jacques Chirac, La Table Ronde, 2004
-Histoire universelle de la pensée, de Cro-Magnon à Steevy, La Table Ronde, 2005
-Histoire universelle des religions, de Cro-Magnon à Raël, La Table Ronde, 2006
Dans la même veine, les livres de son épouse :
-Frigide Barjot, J'élève mon mari, Jean-Claude Lattès, 2001
-Idem, Manuel de survie de la femme moderne, Presses de la Renaissance, 2007
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