Salon de lecture

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L'homme de Berlin

Titre:

L'homme de Berlin

 

 

Auteur:

Frederic H. Fajardie

 

 

Editeur:

Mille et une nuits (réédition)

Date de parution:

2002 (1ère ed: 1989)

 

Le commentaire de ce recueil de nouvelles est un prétexte pour parler de son auteur atypique et fort sympathique… Ancien militant et homme de gauche, il ne peut résolument pas être confondu avec un quelconque bien-pensant de la gauche caviar (ou autre "li-li, bo-bo", pour reprendre à Alain Soral une expression plus moderne), fût-il encore rédacteur au journal Libération! Ce qui le caractérise davantage, c'est un mépris tout nietzschéen des médiocres.

Essentiellement auteur de polars au départ, il met en scène dans "la nuit des chats bottés", d'après moi son meilleur livre en l'état actuel de mes lectures de son oeuvre, deux jeunes héros qui ne peuvent se résoudre à s'adapter a cette société fade et déprimante. La rencontre et l'amour d'une jeune femme marquée par la vie vont les décider à passer à l'action. Rompus aux manipulations d'explosifs depuis leur passage a l'armée (ça ne vous rappelle pas une histoire de militants d'Action Directe qui avaient su tirer profit de leur service dans un prestigieux régiment français?), ils décident de la venger par une série d'attentats symboliques contre la société, jusqu'à détruire la verrue de la Basilique de Montmartre, qui rappelle la plus abjecte bourgeoisie réactionnaire du XIXème siècle.

Si ses héros flics sont volontiers anticonformistes et antifascistes (ce qui, chez Fajardie, n'est pas forcement antinomique…), il ne tombe cependant pas dans le manichéisme obligé et est notamment capable d'inclure dans un de ses polars (désolé : je n'arrive pas à en retrouver le titre) la figure attendrissante et récurrente d'un jeune militant paumé qui affiche un insigne de la Phalange et crie toujours "viva la muerte" ou encore, d'écrire "la théorie du 1%", livre dans lequel le mauvais rôle est donné à tout un tas de "bons français", bien installés et qui, résistants de la dernière heure, avaient prouvé avec bassesse en 1945 leur "ardeur patriotique" en martyrisant une pauvre jeune fille, dont l'impardonnable tort avait été d'aimer un officier de la Wermacht. 20 ans plus tard, ils subiront la fureur vengeresse du rejeton illégitime de ces amours germanophiles… Avouez qu'il y a là une intrigue particulièrement iconoclaste, que peu d'autres auraient pu se permettre! De même, dans "Quadrige", il s'apitoie sur le fils de Léon Daudet, assassiné et présenté comme un jeune trop faible pour ne pas être broyé entre la renommée de son père et la violence des combats idéologiques en cours.

On retrouve bien sûr ces ingrédients dans ces nouvelles, écrites dans un style enlevé… Que ce soit a travers la description acide de la médiocrité quotidienne et auto satisfaite, comme dans les textes intitulés "l'avant-dernier des salauds" (puisque pour le poste de "dernier des salauds, comme on le sait, Adolf Hitler a postulé à ce titre avec un certain succès"), "un petit village de l'Est" ou "struggle for life", à travers le refuge dans un rêve nostalgique comme pour "rapport sur la situation en Galicie", qui est peut-être la nouvelle la plus touchante du recueil, à travers des rencontres fortuites de la rue comme dans "le Navigateur et le Berger" ou "un faux départ", à travers la folie, dans "le Dernier Viking" ou "lune de miel", ou encore a travers l'évocation de héros dépassés ou broyés par l'emballement de l'histoire ("l'Homme de Berlin", "mémoire" ou "des petites fleurs rouges devant les yeux"), c'est toujours l'individu qui est détaché de la société et mis en avant.

Auteur du très bon et assez surprenant film "Vent d'Est" (ce que je viens de découvrir en visitant le site référencé ci-dessous), Fajardie semble se tourner désormais vers des romans historiques. "Les foulards rouges" en sont un exemple, au style épique et plaisant à lire, même si l'on peut ne pas partager son enthousiasme pour des sociétés occultes supposées, qui combattent la Fronde en préparant les "lendemains qui chantent" et autres "Lumières" qui assombriront la triste Révolution Française! Par opposition, le parti que prend cet homme de gauche pour le totalitarisme étatique de Louis XIV contre les frondeurs, assimilés aux fascistes de l'époque, renforce mes convictions selon lesquelles Louis XIV est bien le "premier Jacobin de l'histoire".

Non, assurément, Monsieur Fajardie, nous sommes de la même race, ce que ne sauraient contredire quelques divergences idéologiques!

 

Georges

 

Complément d'information:

Une biobibliographie exhaustive pourra être consultée sur le site: www.fajardie.net

 

 



04/09/2007
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