Une brève histoire de l’avenir
Titre: |
Une brève histoire de l'avenir | ||
Auteur: |
Jacques Attali | ||
Editeur: |
Fayard |
Date de parution: |
Octobre 2006 |
Voici une fiche trouvée sur ScriptoBlog, un très bon site, qui mérite au moins une visite…
Jacques Attali a commis, récemment, un petit essai intitulé « une brève histoire de l'avenir ». Dans ce texte fascinant, notre national docteur ès-mondialisme livre noir sur blanc le « plan » des classes dirigeantes occidentales pour conserver la domination du monde, à l'heure où le substrat ethnique de leur puissance se défait sous les coups conjugués de l'immigration et de la déculturation. Ça vaut le coup d'œil.
Pour Attali, le XXI° siècle sera divisé en trois phases :
- l'hyperempire, qui débutera vers 2030, et qui verra le monde passer d'un système unipolaire américanomorphe à un système multipolaire, régi en pratique par le capital mondialisé,
- l'hyperconflit, qui débutera peu après l'avènement de l'hyperempire et le submergera progressivement – un temps de chaos anarchique et ultraviolent à l'échelle du globe,
- l'hyperdémocratie, qui succèdera à l'hyperconflit et se construira en réaction à ses excès – une sorte d'âge du Verseau, pacifique et « transhumain ».
Cette vision de l'avenir est appuyée en premier lieu sur une étude du passé. Pour Attali, l'histoire humaine se résume à un nombre limité de lois, qu'il affirme connaître. Voici ces règles [entre crochets, mes remarques] :
- Pour survivre, il faut savoir s'adapter [d'où l'affirmation ultérieure, et fallacieuse, que par définition, l'adaptation est bénéfique, et par voie de conséquence, d'où la renonciation à toute volonté de construire l'Histoire au lieu d'en subir la dynamique infrastructurelle] ;
- L'homme s'écarte de plus en plus de sa condition naturelle, en particulier sur le plan sexuel [d'où l'affirmation ultérieure, et fallacieuse, que l'avenir verra nécessairement la poursuite de cette tendance] ;
- L'Histoire a vu successivement le pouvoir des prêtres (à l'époque des tribus), puis celui des guerriers (à l'époque des royaumes appuyés sur l'agriculture), et enfin celui des marchands (dans le cadre de l'industrialisation). A noter qu'Attali attribue le mérite du développement économique à ce qu'il appelle l'ordre marchand [comprendre : le capitalisme], reléguant au second rôle les ingénieurs, techniciens, savants [d'où l'affirmation ultérieure que le dépassement du capitalisme libéral par une économie scientifique planifiée est impossible] ;
- Le moteur de l'Histoire n'est ni la lutte des classes, ni la lutte des peuples, mais l'affrontement multimillénaire entre nomades et sédentaires, et ce sont d'une manière générale les nomades qui créent le progrès [d'où l'affirmation ultérieure que le dépassement des Etats nations, et d'une manière générale de toute identité enracinée, est une nécessité historique] ;
- La démocratie résulte du marché [ce qui revient à confondre démocratie et ploutocratie], en particulier parce que le marché facilite l'échange au sein des élites, échange par hypothèse créateur de progrès, même quand il oppose des civilisations ennemies [Attali reprend la thèse des racines musulmanes de la pensée européenne, voir la note de lecture sur « Aristote au Mont Saint-Michel »] ;
- L'idéal démocratique, c'est-à-dire selon Attali le sous-jacent théorique de la ploutocratie, consiste à établir les droits de l'homme, et il dit le Bien [ce qui revient d'une part à nier que la démocratie soit le pouvoir du peuple, d'autre part à admettre que les droits de l'homme sont par hypothèse indépassables] ;
- Cet idéal « démocratique » en forme de ploutocratie appliquée est la traduction concrète de la pensée judéo-grecque [ce qui revient à nier la pensée aristotélicienne (« l'éthique à Nicomaque », note de lecture à venir) et l'héritage juif, en tout cas tel qu'il a été compris par les chrétiens (« la Cité de Dieu », note de lecture à venir) – à noter qu'Attali, de manière assez hilarante, voudrait nous faire croire que le peuple juif de l'Ancien Testament était un peuple de mercantis nomades (inutile de faire une note de lecture, il suffit d'ouvrir le Pentateuque)] ;
- La loi universelle qui régit toutes ces lois secondaires est l'extension indéfinie de la liberté individuelle, supposée être l'objectif en soi de l'humanité [ce qui revient à nier que le peuple soit une entité historique pertinente, tout devant par hypothèse être ramené à l'individu, présupposé construit par lui-même, hors de tout cadre moral, culturel ou spirituel].
A partir de cette vision du monde pour le moins orientée [tentative de justification théorique du libéralisme déchaîné par une anthropologie subjectiviste appuyée sur une épistémologie malhonnête], Attali enchaîne sur la partie de loin la plus intéressante de son bouquin : l'analyse des mutations de cet « ordre marchand » dont il est persuadé qu'il incarne le sens de l'Histoire. Là, son propos est vraiment instructif :
- Attali analyse l'ordre marchand comme un processus de définition d'une « langue » unique, la monnaie (« langue » rendue nécessaire, selon lui, une fois que le rêve de l'Eglise, l'unification autour du latin, est devenu caduc), monnaie qui permet la maximisation de l'échange, donc, dit-il, du « progrès ». Cet ordre marchand a toujours un centre qui, nous dit Attali, s'enrichit par la richesse qu'il sait créer [négation de l'accumulation primitive du Capital comme spoliation par captation des flux à longue distance et à valeur ajoutée (« La dynamique du capitalisme », de Fernand Braudel, note de lecture à venir)] ;
- Le centre de l'ordre marchand finit toujours par succomber, parce qu'il ploie tôt ou tard sous le coût de son empire [comprendre : le coût de l'effort nécessaire au contrôle de l'empire – il est intéressant d'observer qu'Attali nous présente le différentiel de salaires entre le cœur de l'empire (salaires élevés) et sa périphérie (exploitation des travailleurs) comme la cause de l'implosion des « cœurs » successifs de l'ordre marchand – ce qui revient à nier que la cause principale puisse se trouver dans le coût de l'effort militaire et diplomatique nécessaire pour contrôler la périphérie exploitée] ;
- L'implosion financière « ratifie » le déclin des « cœurs » successifs du capitalisme. Attali identifie une dizaine de « cœurs » successifs. Passons sur les premiers, et intéressons-nous à l'histoire récente. Pour Attali, la crise de 1929 marque l'implosion d'un premier « cœur » américain (Boston, économie du charbon), puis, après une crise, la naissance d'un nouveau « cœur » (New York, économie du pétrole et de l'électricité). 1979 marque l'implosion de ce deuxième « cœur », dont Los-Angeles prend le relais (économie de l'information). A chaque fois, la naissance du nouveau « cœur » passe par la captation de technologies que le « cœur » n'a pas forcément inventé, mais qu'il sait s'approprier parce qu'il détient le Capital [à noter qu'Attali ignore, délibérément sans doute, le rôle de la présence militaire américaine dans la décision du Japon de suspendre son offensive commerciale dans les années 80 – décision qui est à l'origine du maintien de la prédominance économique américaine depuis 20 ans].
Sur cette vision du passé, Jacques Attali appuie sa vision de l'avenir…
Pour l'avenir proche, ce qu'il nous raconte, c'est d'abord l'implosion de l'empire américain. Il voit cette implosion se produire dans une succession de secousses, étalées sur deux décennies. L'Amérique, ne pouvant plus être le banquier du monde [et pour cause, elle est ruinée] tentera d'en devenir le coffre-fort [d'où une prévisible stratégie de la tension, pour pousser le Capital à se réfugier aux
L'implosion d'un « cœur », souligne Attali, s'accompagne souvent d'une évolution technologique que ce « cœur », épuisé par le coût de son empire, ne parvient plus à capter. La technologie issue de la « forme » californienne de l'ordre marchand a généré ainsi un « continent virtuel », Internet, qui représente déjà 10 % du PIB mondial et 25 % du PIB américain [chiffres qui me laissent dubitatif, mais bon]. C'est pourquoi le turbocapitalisme en voie de formation pourrait bien ne plus avoir de « cœur » géographique. Une fois que le « cœur » californien aura passé la main, on pourrait assister à quelque chose de nouveau : l'émergence d'un ordre marchand sans centre physique, un empire du capital mondialisé appuyé matériellement sur un monde multipolaire, mais où aucune puissance n'aurait le poids nécessaire pour dominer vraiment les autres. Attali imagine une sorte de « centre nomade », qui hésiterait longtemps à se fixer, avant, peut-être, d'aboutir à Jérusalem, capitale du monde… mais seulement après que l'hyperdémocratie ait triomphé de l'hyperempire par l'hyperconflit [est-il besoin de commenter ? – la manière dont Attali mêle sa judéité à ses élucubrations pose franchement la question de savoir si son agenda secret n'est pas la réhabilitation posthume des théoriciens de l'antisémitisme…].
Emergera ainsi « l'hyperempire », c'est-à-dire l'empire des multinationales, régissant de facto toute la planète, imposant leurs lois aux Etats, devenus leurs serviteurs. L'Union Européenne deviendra un super-Etat, mais sa part dans le PIB mondial tombera de 20 % à 15 %. La Russie ne parviendra pas à s'imposer [Attali ne donne pas de justification, il dit simplement que « la Russie n'est pas un candidat sérieux » - pourquoi ? Mystère]. L'implosion de la bulle financière américaine ne ruinera pas seulement l'Amérique, mais aussi la Chine, qui dépend du marché américain pour sa croissance [ah bon ? Alors les Chinois peuvent produire, mais pas consommer ? Hum, Jacques ne nous dit pas tout, là…]. Quant à l'Amérique du Sud, elle sombrera dans des conflits interétatiques, et le Brésil ne parviendra jamais à s'imposer comme puissance dominante [à noter qu'Attali parle peu de l'Inde].
Dans ce monde régi par les multinationales, la vie ne sera pas rose pour tout le monde. L'Afrique va connaître une multiplication par deux de sa population, alors que sa production agricole risque de baisser de 20 % dans certaines zones du fait du réchauffement climatique. Il en résultera un formidable mouvement migratoire, et l'Europe, vieillissante, sera de plus en plus africanisée. L'Europe, dit Jacques Attali, « ressemblera de plus en plus à l'Afrique » [sans commentaires]. Dans le même temps, les
Le Capital imposera sa loi universelle, et les êtres humains seront donc soumis à une maximisation permanente de toutes les compétitions. Le travailleur sera constamment obligé de se soumettre à la loi du Capital [c'est-à-dire de ceux qui le détiennent]. Le droit d'auteur disparaîtra, les multinationales possédant les brevets et les œuvres, et rémunérant leurs concepteurs comme n'importe quel salarié [écrasement du Technicien et de l'Artiste par le Marchand, seule figure dominante]. Il en résultera un monde à trois vitesses :
- Tout en haut, les hypernomades (100 millions de personnes dans le monde). Ils tireront leur pouvoir de leur capacité à bouger, à changer, à redéfinir constamment leur identité [sauf pour ceux qui se préparent à la Jérusalem, capitale du monde ? – Je n'ose le supposer…]. Ils vivront des vies artificielles, consacrées uniquement à la jouissance que leur procurera le pouvoir. Ils s'approprieront en particulier les nanotechnologies et les biotechnologies pour vivre des vies mutantes, où il leur deviendra possible de se réinventer, même physiquement, par l'implantation d'organes clonés ou de synthèse. Dans une société où tous les cadres anthropologiques auront disparu (fin de la famille), les sexualités « plurielles » serviront à meubler l'existence de ces hypernomades pour qui la vie ne sera plus qu'une alternance toujours plus excitante entre distraction et compétition. Leur seule préoccupation : eux-mêmes [ce que Jacques Attali, se surpassant, appelle « apprendre l'amour de soi »].
- Au milieu, les sédentaires (4 milliards d'hommes). En gros, leur rôle sera de faire tourner la machine économique et d'imiter les hypernomades servilement, grâce à la consommation low cost. Structurellement déprimés, ils seront obèses à 50 % [ce qui, selon Attali, révèle non l'abus de malbouffe, mais « un refus du nomadisme » - il est permis de rire ? ].
- Tout en bas, les infranomades (4 milliards d'hommes). Pour eux, le nomadisme « de proximité » sera le seul moyen de survivre, dans un monde où toutes les ressources naturelles seront raréfiées (à commencer par l'eau potable : 1500 m3 par homme et par an en 1900, 800 m3 en 2000, 400 m3 en 2040). Comme à partir de 2030, l'humanité sera entrée dans une ère d'essoufflement technologique (faux progrès consuméristes, sans accroissement réel des forces productives), les conditions de vie de ces populations ne seront pas meilleures que celles des pauvres d'aujourd'hui.
Les hypernomades et les sédentaires vivront de plus en plus dans un monde rempli d'objets, d'où la présence humaine sera éliminée. Un « objet nomade unique » concentrera toutes les technologies de la communication, permettant à chacun d'être constamment relié à tous [et donc d'être localisé constamment par les multinationales qui commercialiseront ledit gadget]. Comme ce monde sans lois autres que celles du marché s'avèrera rapidement ingérable, les multinationales de l'Assurance prendront de facto le pouvoir, imposant aux populations des objets dits « surveilleurs » qui obligeront tous les citoyens du monde à se surveiller eux-mêmes en permanence, pour ne pas trop consommer de ressources naturelles, en particulier [si George Orwell pouvait lire Attali, il demanderait des droits]. Progressivement, des monopoles mondiaux absolus émergeront, consacrant la fin du capitalisme concurrentiel, la compétition étant réservée aux individus, les structures du Capital ayant atteint le stade monopolistique à l'échelle planétaire.
Ce monde de l'hyperempire ressemble à une assez honorable reconstitution de l'Enfer.
Surviendra alors un monde où au pouvoir global du marché s'opposera le pouvoir local des pirates de toutes sortes. Des villes-Etats se constitueront, qui s'efforceront de fonctionner selon leurs propres règles. Peu à peu, une « coalition critique » se formera, associant pirates, révoltés et micro-Etats, dans un vaste front contre l'ordre marchand devenu tyrannique. Les religions muteront, et des religions-idéologies viendront grossir la coalition anti-mondialisme. L'islam a de fortes chances de servir de ciment principal à cette grande révolte [Comprendre : tout sauf le christianisme !].
Une guerre mondiale et « métalocale » [pour reprendre le terme inventé par Maurice G. Dantec] opposera les armées de l'hyperempire, très sophistiquées et mécanisées, constituées en grande partie de robots et de drones, à la coalition antimondialiste des pirates, des religieux et des rebelles. Progressivement, ceux-ci apprendront à récupérer la technologie à leur propre fin – grâce aux revenus des trafics en tous genres qu'ils auront confisqués. Le monde sombrera dans le chaos [comprendre : pas d'alternative réelle à l'ordre marchand – ou bien le règne du capital mondialisé, ou bien l'Apocalypse – voilà l'alternative proposée par Attali]. Comme, à la suite de crise comme
Alors, enfin, au bord du chaos et de l'anéantissement, le monde choisira l'hyperdémocratie : c'est la troisième et dernière partie de l'avenir selon Attali [et aussi la plus nébuleuse]. De nouveaux types d'hommes surgiront, qui s'opposeront à la folie : ce seront les « transhumains ». Altruistes, ils animeront des entreprises « relationnelles » dont la finalité ne sera plus le profit. La montée en puissance des femmes dans le monde facilitera cette évolution vers un nouvel âge d'or [qui surgit, dans le bouquin d'Attali, on ne sait comment]. Soudain, les « hypernomades » reviendront de leur erreurs, et s'ouvrira un temps merveilleux, où ils imiteront [dixit Attali, je précise parce que là c'est énorme] Mère Térésa et Melinda Gates [épouse de Bill Gates, chargée des « bonnes œuvres »]. Succombant à un fantasme matriarcal universel, Attali va jusqu'à nous prédire un monde où le « droit d'ingérence » aura rendu impossible toute forme d'oppression [lire la note de lecture « au-delà des droits de l'homme »]…
Un Etat mondial surgira, fusion des organisations continentales. L'Union Européenne, nation « d'un genre nouveau », incluant la Russie et la Turquie, servira de matrice à cette humanité réconciliée. La généralisation des « droits à » imposera partout, dans le monde, de nouveaux devoirs altruistes, comme le « devoir de parenté » issu du « droit à l'enfance » [comprendre : féminisation des hommes, négation du politique, enfermement des citoyens dans la sphère privée]. Le monde ne sera plus qu'un immense paradis millénariste permanent, où chacun aura, enfin, « droit au bonheur » [non, non, vous ne rêvez pas, je n'invente rien, c'est écrit dans le bouquin à Jacquot !].
Que dire de ce voyage en Absurdie mondialiste néolibérale appliquée ?
- D'abord, qu'Attali conclut son bouquin par un chapitre où il nous démontre, si je fais court, que la
- Ensuite, qu'il est important désormais de travailler à réfuter sérieusement la prétention de Jacques Attali à incarner, dans son délire millénariste, une forme de la pensée juive. Très sérieusement, le fait que l'oligarchie marchande confie à un Juif le soin de nous révéler son plan mérite réflexion. Il y a là une formidable source d'antisémitisme. Attali obtiendra-t-il la réhabilitation posthume du peu regretté Dodolf ? – A nous de faire en sorte que non. Lire, à ce sujet, la jolie petite nouvelle de Jef Carnac : « Le zaklon de Brindatl»…
- Enfin, que plus que jamais, il faut nous préparer à combattre le bon combat. Je n'avais pas lu « Une brève histoire de l'avenir » avant de rédiger, avec mes camarades du Collectif Solon, « Eurocalypse ». Mais après l'avoir lu, j'arrive à la conclusion que je n'ai, décidément, pas une ligne à retirer de ce bouquin. Pour utiliser l'image fournie par les personnages de notre roman : Ducast en formation cherche Rosso au berceau…
Michel Drac
Le même auteur a rédigé, en réponse à Attali, une fiche sur l'éthique à Nicomaque, d'Aristote.
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